Avez-vous remarqué que lorsqu’on commence à bien parler une langue étrangère, on peut ressentir comme un décalage ?
D’un côté, il y a ce sentiment d’appartenance à quelque chose de nouveau et que l’on apprécie vraiment. De l’autre, un sentiment d’étrangeté face à tant de différence dans laquelle on ne se reconnaît pas du tout. Malgré le plaisir éprouvé à parler cette nouvelle langue, cette cohabitation est loin d’être toujours confortable !
Faire de la place en soi pour l’autre
Notre identité fait corps avec notre langue maternelle mais nous voilà soudain face à deux langues, là où il n’y en avait qu’une auparavant.
Parler deux langues, c’est accueillir et faire cohabiter deux visions du monde en soi, faire de la place à la différence de l’autre à l’intérieur de soi. C’est un acte radical d’ouverture et d’acceptation d’une réalité qui dépasse notre pensée première et nos représentations du monde.
J’ai longtemps lutté entre ces deux parties de moi, l’une anglophone, l’autre francophone me demandant, tour à tour, de quel droit je parlais telle ou telle langue et si je n’éclipsais pas, voire, ne trahissais pas une partie de moi-même…
Cet état peut être très déroutant et décourageant mais en réalité, il est le signe d’une rencontre profonde et que vous avancez sur le bon chemin ! C’est assez inattendu, mais parler une autre langue nous change durablement.
Parler les langues pour créer sa vision unique
Étonnamment, la clé de l’équilibre s’est située dans l’approfondissement de ma connaissance de mes deux langues. Lire et observer. Ecouter encore plus attentivement pour comprendre ce que ces langues avaient à me dire et ce qu’elles me disaient de moi.
J’ai compris que l’humanité ne parle pas d’une seule voix et que les langues, créations humaines par excellence, expriment des choses très différentes.
Mieux je parlais ma deuxième langue, plus elle me renvoyait à ma langue maternelle et plus je me questionnais sur mon point de vue personnel. Une question m’obsédait : “Où suis-je, moi, dans tout ça ?”
Quand on parle plusieurs langues, il y a un point de synthèse à trouver. C’est un espace que j’appelle “l’entre-deux-langues”.
Le cadeau que nous fait le multilinguisme est celui-là, de questionner et de transcender les divers points de vue véhiculés par nos langues pour fabriquer notre propre vision du monde.